Réponse d’Eva Joly au Comité National Olympique et Sportif Français

Proposition 1 : Développer durablement l’éducation physique et sportive (EPS), base obligatoire et commune à tous les jeunes et la compléter par le renforcement de passerelles avec le mouvement sportif.

L’EPS contribue à favoriser la construction et le développement des capacités et des ressources nécessaires aux conduites motrices. Elle permet l’accès au patrimoine culturel que représentent les différentes activités sportives et artistiques, pratiques sociales de référence, et également de faire acquérir des compétences et connaissances utiles pour mieux connaître son corps, le respecter et le garder en bonne santé.

La place de l’EPS est souvent questionnée au nom de socles fondamentaux qui ferait de cette discipline une variable d’ajustement. L’EPS est une discipline fondamentale et essentielle qu’il faut protéger. Les passerelles ne peuvent s’opérer directement entre l’EPS et le mouvement sportif. Ces passerelles sont à développer dans le cadre du sport scolaire, transition entre le monde éducatif et celui associatif sportif. Au fil de conventions, les fédérations sportives peuvent renforcer les compétences des animateurs et éducateurs, contribuer au fonctionnement des associations sportives scolaires, aider à l’organisation des manifestations.

Propositions 2 : – Faire de la promotion des bienfaits de la pratique sportive sur la santé et le bien être des Français, valides ou non, une priorité de santé publique ;

– Soutenir la politique européenne du sport axée sur cette problématique et en reconnaitre le CNOSF comme opérateur incontournable sur le territoire français.

Je réclame avec EELV la reconnaissance du sport comme un élément de santé publique avec bien évidemment la lutte contre toutes ses dérives (pratique précoce, dopage, calendriers sportifs surchargés…). Je souhaite mettre en avant et promouvoir un sport pour tous, adapté à l’état de santé de chacun. Le projet d’instaurer une prescription médicale sportive qui s’appuiera sur des cellules d’accompagnement des publics pour qui une pratique sportive pourrait améliorer l’état de santé (physique ou psychique) est une innovation proposée par EELV. Lors de consultations, un médecin du sport prescrira, en lien avec des équipes d’éducateurs sportifs spécialisés, des programmes d’entrée dans la pratique, adaptés, ayant pour finalité d’acquérir une culture sportive et permettre d’accéder à une pratique sportive régulière pour ensuite pouvoir intégrer des associations sportives.

Bien entendu, la politique européenne sur ce sujet doit être soutenue. Les acteurs fédéraux du sport, dont le CNOSF, seront avec d’autres acteurs publics et associatifs, les principaux acteurs concernés, sans exclusive mais dans un pilotage partagé.

Proposition 3 : Affirmer la reconnaissance de l’utilité sociale des associations sportives, de l’engagement bénévole et la volonté de faciliter le fonctionnement des clubs par l’allègement des contraintes tout en leur proposant un accompagnement efficace.

La force du mouvement sportif français repose sur quelques grands principes, dont celui du fonctionnement associatif qui repose en grand partie sur l’engagement des bénévoles. Il est important de reconnaître cette utilité sociale des clubs. Les centaines de milliers de bénévoles sont les piliers du développement de la pratique sportive en France et de sa vie associative (dirigeants, animateurs, accompagnateurs…) et du lien social. Ce modèle est en danger car les bénévoles s’essoufflent car submergés par les tâches administratives et la responsabilité assumée. Il faut pour lutter contre ce désengagement et instaurer un statut de bénévole donnant droit à :

– des formations,

– une validation ou reconnaissance des années passées dans le milieu associatif,

– mieux reconnaitre le rôle des bénévoles en un statut du bénévole,

– aider à leur investissement en diminuant les coûts supportés (défiscalisation des frais).

Ce plan de valorisation du bénévolat doit être élaboré en intégrant parallèlement les enjeux de professionnalisation, en aidant les employeurs associatifs et en misant sur d’autres valeurs et démarches entreprenariales comme l’économie sociale et solidaire.

Proposition 4 : Améliorer la formation d’un encadrement professionnel afin de développer, dans les clubs, les pratiques pour le plus grand nombre (différentes de la seule compétition de haut niveau) et y accueillir le mieux possible ces nouveaux publics et les fidéliser.

Il s’agit de garantir l’accès du plus grand nombre à la pratique sportive. Cet axe social d’une nouvelle politique responsable et publique du sport consiste à fournir une aide au développement et à la structuration des pratiques sportives qui visent à favoriser le développement d’une offre sportive de qualité et diversifiée, sur l’ensemble du territoire national ainsi que l’accès de tous à la pratique sportive. En s’appuyant sur les études existantes, un plan national de développement de la pratique sportive doit être mis en œuvre, en ciblant les publics prioritaires (personnes fragiles, seniors, jeunes, femmes). L’accueil adapté de ces publics nécessite la formation de l’encadrement bénévole et professionnel permettant ainsi de répondre aux besoins non satisfaits, de développer la pratique et donc de contribuer à la création d’emplois et d’assurer leur pérennité.

Proposition 5 : Clarifier ces compétences et assurer la présence du mouvement sportif au sein d’instances de concertation, étant bien entendu que cette clarification doit traduire un engagement plus fort des uns et des autres.

Les compétences, au-delà des volontés politiques et des enjeux territoriaux, doivent être éclaircies. Les concertations actuellement en œuvre comme les Assises du sport et du développement durable, les conférences régionales du sport, les CDESI, entre autres, contribuent à une meilleure répartition des responsabilités et à une meilleure gouvernance. Les acteurs associatifs du sport doivent aussi mieux prendre place dans les instances de concertation. Le mouvement sportif est trop absent des agendas 21 locaux, des conseils de développement. Le sport ne s’autorise pas assez à investir ces lieux de concertation et de décision. Il reste parfois trop centré sur des problématiques sportives moins que sociétales. De manière très pragmatique, au moment où les dirigeants actuels sportifs ont du mal à se diviser pour participer aux nombreux travaux qui les concernent, la question de la disponibilité des bénévoles sera un élément également de choix. Dans certains cas, des présences croisées peuvent se concevoir mais elles doivent aussi permettre aux décideurs, en contre partie, de participer à la vie du mouvement sportif qui ne s’ouvre pas toujours sur la société civile.

Proposition 6 : Soutenir et aider le mouvement sportif à voir ce projet ambitieux et structurant se concrétiser.

Je reste très sceptique sur les projets pharaoniques, qui ne servent souvent qu’une petite partie du sport français en terme de fédérations et de pratiquants. Même si le Grand Paris doit intégrer la dimension sport, il semble que la priorité ne soit pas à la construction d’un « Pôle d’excellence sportive » qui rien qu’au fil du terme d’excellence rejette une vision humaniste du sport. Au moment où en France, et particulièrement en Ile de France, il s’agit de rééquilibrer les investissements de l’Etat. Les rapports « grands stades », « grandes salles » doivent être interrogés. Les programmes d’investissements prévus pour des grandes opérations comme pour l’Euro 2016, le programme des Arénas, le réaménagement de Roland Garros, le grand stade de la Fédération Française de Rugby ou le pôle d’excellence sportive, ne peuvent être considérés comme prioritaires. Ils ne répondent qu’à des usages limités comme les grands événements, les compétitions des équipes professionnelles et se détournent du vrai rôle social du sport.

En s’appuyant sur une méthodologie de diagnostic territorial, il faut limiter l’aide à la construction des grands équipements et favoriser la construction d’équipements de proximité, notamment via le CNDS. En lien avec les collectivités, il s’agit donc de mieux répartir l’effort de l’Etat en priorisant les vrais projets structurants, répondant aux besoins des populations locales, limitant les impacts environnementaux. Les partenariats publics privés doivent être proscrits, particulièrement sur des projets de développement d’équipements visant à promouvoir le rôle social du sport.

Plus de 50% des équipements sportifs en France ont plus de 24 ans et sont ainsi peu adaptés à la prise en compte des publics, peu accessibles, grands consommateurs d’énergie. En concertation avec les collectivités territoriales, en Ile de France, au sein du Grand Paris comme partout ailleurs, un plan national de rénovation des équipements doit être lancé. Ce plan doit viser prioritairement les équipements de proximité qui répondent à des besoins locaux. Les objectifs de ce plan visent différents domaines :

– lutter contre le changement climatique et réduction de la consommation d’énergie,

– développer la dimension sociale pour permettre par leur aménagement, d’accueillir de nouveaux publics intéressés par la pratique sportive, une accès pour tous, la pratique de plusieurs activités, voire aussi culturelles,

– prendre en compte l’érosion de la biodiversité,

– intégrer les nouvelles pratiques, notamment urbaines, non encore fédérées…

Proposition 7 : Mettre en place avec l’Etat un nouveau dispositif qui allierait coordination, accompagnement et expertise et dont le mouvement sportif serait le pilote. La création d’une cellule d’experts installée au CNOSF en charge d’appuyer, de suivre et d’évaluer les politiques sportives mises en place par les fédérations (détection, perfectionnement, suivi social) viendrait compléter utilement ce dispositif.

Il s’agit en France d’instaurer une conception humaniste du sport du haut niveau. Le sport de haut niveau peut faire rêver, vibrer mais il peut aussi être générateur de dérives mettant en danger la santé physique et psychologique des athlètes (surentraînement ; dopage) et de leur public (addiction aux jeux ou autres, paris truqués etc.) ; il convient de poursuivre et renforcer la mise en œuvre des moyens de lutte contre ces pratiques à risques avec des obligations précises comme :

– limiter la spécialisation sportive précoce et l’âge d’accès à des pratiques sportives intensives,

– créer un véritable statut d’athlète de haut niveau qui permette aux athlètes de gérer sereinement leur carrière sportive, d’établir leur projet personnel ; de construire un parcours d’excellence sportive ; de mener à bien une formation professionnalisante (formation, diplômes) pour une meilleure reconversion à l’issue de leur carrière et disposer d’alternatives en cas de blessure,

– reconnaitre et valoriser des années passées à s’entraîner,

– mettre en place des formations pour l’entourage des sportifs de haut niveau (famille),

– revoir les rythmes imposés par les calendriers des compétitions pour respecter les sportives et les sportifs dans leur intégrité physique.

Ce pilotage doit revenir à l’Etat, en lien avec le CNOSF, pour garantir ainsi une neutralité et une objectivité et ne pas soumettre le CNOSF aux pressions des partenaires, de fédérations qui pourraient être tentés de voir à travers une certaine politique sportive du haut niveau d’autres intérêts que ceux des sportifs.

Proposition 8 : Imposer dans le cahier des charges de la télévision de service public l’obligation d’assurer le signal de retransmission d’un événement sportif de niveau mondial.

La surenchère des exigences fédérales est elle toujours de mise et doit elle faire objet d’obligations ? Ces exigences, parfois démesurées (éclairage, dimensions, accueil…), peuvent nuire à des équipements existants, à l’implantation de nouveaux, à l’accueil de manifestations et parfois donc au développement de la pratique sportive. Les fédérations internationales peuvent donc édicter leurs règles et normes, charge à celles et ceux, acteurs publiques ou privés qui souhaitent retransmettre, d’y répondre, ou non.

Proposition 9 : En synergie avec le nouveau Conseil stratégique international mis en place au sein du Centre national pour le développement du sport

– Développer une coordination efficace entre les différentes institutions et reconnaître clairement les prérogatives dévolues au mouvement sportif

– Soutenir les projets d’équipements sportifs structurants, notamment les projets portés par les fédérations, qui contribueraient à accueillir des événements sportifs internationaux majeurs.

Les grands événements sportifs sont devenus des manifestations finalement assez symptomatiques des sociétés dans lesquelles nous vivons. Ces grands événements, des Jeux Olympiques aux coupes du monde de football ou de rugby, permettent bien évidemment un partage d’émotions, et parfois des découvertes culturelles et des échanges mais restent surtout des lieux de dérives, conséquences de la recherche de profits. Paradoxalement, ces événements génèrent de lourds déficits pour les pays qui accueillent mais de larges profits pour les opérateurs privés. Il est absolument indispensable de revenir à certains fondamentaux dans la réflexion menant à l’organisation de tels événements.

Il faut des cahiers des charges raisonnables et cohérents. Les exigences liées à la candidature de villes ou pays pour recevoir de grands événements sont parfois totalement ahurissantes, allant parfois à l’encontre des lois existantes dans les pays. La démesure est de rigueur. Il existe un problème très important dans la définition de ces grands événements.

Par conséquent, il faut revenir à des exigences pertinentes et cohérentes, respectant les lois des Etats avec des modalités qui évitent des dépenses et investissements somptueux. Il manque effectivement une coordination des candidatures, où l’implication de l’Etat doit être importante car il est, avec les collectivités, souvent le grand financeur de ces projets.

Je souhaite également que ces manifestations bénéficient aux populations locales.

On constate que les populations locales, prenons l’exemple de Chine pour les jeux olympiques de Pékin ou de l’Afrique du Sud pour la coupe du monde de football n’ont que peu accès aux manifestations, à un programme de développement du sport et encore moins aux retombées économiques… Le nombre d’ « accrédités » est par contre très élevé (plusieurs dizaines de milliers) et viennent du monde entier, en étant responsable d’émissions de gaz à effet de serre (GES) très importantes. L’Etat français doit peser via les fédérations sportives, le Comité National Olympique et Sportif Français pour définir des places en grand nombre réservées aux populations locales, notamment via des tarifs cohérents et accessibles. Ceci permettra une valorisation sociale de l’événement et réduira considérablement des émissions de GES dues aux déplacements internationaux par des déplacements locaux moins impactant. Les grands événements sportifs doivent aussi contenir des plans de développement de la pratique sportive.

Nous souhaitons aussi des gains partagés par tous. La redistribution des bénéfices, pas seulement des pertes est un vrai enjeu. Ces événements sont parfois extrêmement coûteux (développement des infrastructures, etc.). Les Grecs qui ont accueilli les avant derniers Jeuxolympiques d’été ont enregistré des pertes record : avec un budget total estimé à 14 milliards de dollars, les recettes directes ont à peine dépassé 2 milliards. Ce sont donc les citoyens qui assument les coûts d’aménagement et d’organisation et ce sont souvent les partenaires financiers qui se partagent les bénéfices. Un nouvel équilibre, modèle financier est indispensable à trouver pour que le ratio coût/bénéfice soit équitablement partagé avec une nouvelle fois, un nécessaire gain pour les populations.

Proposition 10 : Instaurer un délit d’atteinte à l’image ou à l’éthique du sport, permettant de sanctionner, y compris au plan financier, les actes illicites tels que dopage, tricherie, corruption, violence ou autres déviances mettant en péril les valeurs du sport. Le CNOSF pourrait être ainsi autorisé à se porter partie civile au nom du mouvement sportif.

Je partage les propositions du CNOSF.

Il faut lutter contre les excès. Violences, incivilités, triche, dopage, homophobie, racisme, le sport subit de nombreuses attaques. L’éducation au respect, la lutte contre toutes les formes de discriminations doivent, dès le plus jeune âge, être intégrées dans les clubs en parallèle de la découverte du sport, des techniques, de l’entrainement. En cas d’excès, la sanction doit s’appuyer sur les règlements disciplinaires des fédérations, les règlements intérieurs des enceintes sportives et le renforcement de la Loi.

Dans un contexte de crise économique majeure, le sport doit se montrer exemplaire dans ses pratiques économiques, notamment dans le sport professionnel. Cet enjeu concerne un grand nombre d’acteurs (pratiquants licenciés, supporters, représentants associatifs, entreprises parte­naires et acteurs économiques du sport) qui voient dans certaines pratiques une remise en cause des valeurs fondamentales du sport. Il faut remettre en cause ces pratiques et contraindre par exemple les partenaires à des chartes éthiques de sponsoring.

Les nuisances à l’environnement doivent elles aussi être considérées comme une atteinte à l’éthique du sport.

Proposition 11 : Créer un véritable partenariat vertueux entre l’Etat et le CNOSF au moyen d’un contrat pluriannuel, affirmer la volonté de l’Etat d’être un facilitateur d’actions pour le mouvement sportif et modifier le code du sport afin de rééquilibrer les différentes représentations au sein du CA du CNDS.

Il faut une nouvelle gouvernance du sport mondial. En effet, on assiste à des choix souvent politiques qui interrogent. L’attribution de la coupe du monde de football au Qatar en 2018 est en ce sens pleine d’interrogation : un pays sans culture footballistique, sans infrastructures existantes suffisantes, avec un climat peu adapté en été. Les événements deviennent totalement privés, gérés par les instances internationales et leurs partenaires économiques. Plus globalement, la gouvernance des instances internationales sportives (CIO ou FIFA) interroge Une plus grande transparence est largement souhaitable.

Le rôle de l’Etat doit être prédominant dans ce type d’organisation et ne doit pas opérer comme sous-traitant de ces organismes ; c’est la garantie des intérêts des citoyens, et non pas de seuls intérêts privés.

Pour ce qui est de la France, au-delà de quelques ajustements possibles avec une plus grande place pour les collectivités, le modèle unique de l’organisation du sport apporte satisfaction, tant du point de vue du fonctionnement du CNDS que dans celui des conventions d’objectifs de l’Etat avec ses partenaires.

Proposition 12 : Redéfinir et consolider le financement du sport, en cohérence avec le nouveau partenariat évoqué au point précédent : de nouvelles compétences, de nouveaux moyens d’actions, pour plus d’efficience.

Aujourd’hui le budget alloué au sport par le gouvernement représente moins de 1% du budget total de l’état. L’Etat, au fil de son désengagement principalement dû à la Révision Générale des Politiques Publiques (RGPP) et de la baisse de son budget, a recentré son action sur ses missions régaliennes, laissant les visions écologistes péricliter ou les offrir à une marchandisation du sport, le sport business qui répond moins en vision qu’en profits. Il s’agit aussi d’agir contre les dérives économiques du sport.

Il faut, par exemple, instaurer une taxe prélevée sur les partenariats privés du sport professionnel, taxe qui participera au financement de ce plan national de développement de la pratique sportive. Les plus haut salaires sportifs qui dépassent très largement le « revenu maximum fixé à 30 fois le revenu médian » proposé par EELV doivent être prélevés, là encore au bénéfice du plus grand nombre.


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