Demande de participation officielle des associations LGBT aux cérémonies du souvenir des victimes et des héros de la déportation
A Caen, le mercredi 21 avril 2010
Monsieur le Préfet de Région,
Il y a un an, par courrier en date du 23 avril 2009, nous vous avions demandé solennellement la participation officielle des associations LGBT aux cérémonies de la journée nationale du souvenir des victimes et des héros de la déportation. Nous considérons cette demande légitime au vu du devoir de Mémoire qui ne saurait éluder des victimes de la barbarie nazie et au vu de la circulaire signée en 2001 par Jean‐Pierre Masseret, alors secrétaire d’État aux Anciens combattants, demandant aux préfectures d’associer aux cérémonies les associations homosexuelles.
Nous regrettons de constater que cela n’est pas encore le cas aujourd’hui, malgré notre demande relayée à tous les parlementaires du Calvados et malgré la participation de nombreux élus caennais, dont Monsieur le Député‐Maire de Caen, à la cérémonie non officielle organisée par les associations LGBT l’an passé.
Nous tenons donc à renouveler notre demande et vous rappeler les fondements de notre requête.
Depuis l’adoption de la loi du 14 avril 1954, le dernier dimanche du mois d’avril est consacré aux cérémonies de la journée nationale du souvenir des victimes et des héros de la déportation. Cette journée est l’occasion de se souvenir des événements innommables survenus au cours de la 2nde guerre mondiale en nous recueillant à la mémoire de toutes les victimes de la déportation.
Pourtant, le processus de reconnaissance de la déportation, en France, de certaines minorités n’est pas encore abouti et les associations LGBT qui revendiquent la possibilité de participer officiellement – notamment à Caen – aux cérémonies du souvenir de la déportation en seront, une fois encore, purement et simplement exclues.
Vous le savez, il est aujourd’hui reconnu que près de 100 000 personnes en Europe ont été arrêtées au cours de la seconde guerre mondiale au motif qu’elles étaient homosexuelles, près de 10000 d’entre elles ont été déportées dont plus de 200 en France. Dans un rapport de la fondation pour la Mémoire de la déportation, établissement reconnu d’utilité publique placé sous le haut patronage du Président de la République, on a en effet pu recenser 210 personnes déportées pour le motif d’homosexualité. Le plus connu étant Pierre Seel, reconnu comme déporté pour homosexualité, dont le combat et le témoignage ont permis de faire la lumière sur ces faits. Aujourd’hui décédé, Pierre Seel a donné son nom à plusieurs rues françaises avec la mention « déporté pour homosexualité ».
Le 26 avril 2001, Lionel Jospin, alors Premier Ministre déclarait aux invalides : « Nous ne devons pas craindre de nous confronter à notre passé, avec ses ombres et ses lumières. Il nous faut lutter contre l’oubli et contre la déformation des faits. Nous devons savoir regarder notre Histoire en face.
Nul ne doit rester à l’écart de cette entreprise de mémoire. Il est important que notre pays reconnaisse pleinement les persécutions perpétrées durant l’Occupation contre certaines minorités — les réfugiés espagnols, les tziganes ou les homosexuels. »
Quelques années plus tard en 2004, le Président de la République, Jacques Chirac déclarait sur le parvis des droits de l’Homme : « Nous sommes là pour nous souvenir que la folie nazie voulait éliminer les plus faibles, les plus fragiles, les personnes frappées par le handicap dont l’existence même faisait affront à leur conception de l’homme et de la société. En Allemagne, mais aussi sur notre territoire, celles et ceux que leur vie personnelle distinguait, je pense aux homosexuels, étaient poursuivis, arrêtés et déportés.» Ces deux discours ont posé la reconnaissance de l’Etat français de la déportation d’individus homosexuels présents sur le territoire français au titre du motif d’arrestation 175. Cela fut officialisé, comme nous vous le disions, par une circulaire signée en 2001 par Jean‐Pierre Masseret, alors secrétaire d’État aux Anciens combattants qui demandait aux préfectures d’associer aux cérémonies les associations homosexuelles. Depuis, les associations LGBT participent dans de nombreux départements français à ces cérémonies officielles.
Malgré cela et la mobilisation que nous relayons depuis un an, notre Préfecture refuse toujours aux associations LGBT d’assister aux cérémonies officielles à la mémoire des victimes et des héros de la déportation. Ceci constitue pour nous une atteinte au devoir de mémoire et une entorse au principe d’égalité des droits que les Verts défendent devant tout acte de la vie, devant tout fait public, qu’il soit présent ou qu’il relève de la mémoire.
Les Verts militent activement, vous le savez, pour l’application concrète du principe d’égalité, pilier fondateur de notre république. Se souvenir de toutes les victimes de la déportation, sans exclusive, relève d’un des principes élémentaires du devoir de mémoire que chacun d’entre nous se doit de faire vivre au quotidien. Il ne s’agit donc pas ici de reconnaître un droit spécifique à telle ou telle catégorie, il s’agit simplement de reconnaître que l’horreur des faits historiques est la même pour chacun. La déportation d’un homme ou une femme – quel qu’en soit le motif – est un crime contre l’Humanité qui ne saurait être ni sectorisé, ni oublié.
Garant du respect des principes républicains, vous êtes en charge en tant que représentant de l’Etat de l’organisation des cérémonies de la Journée nationale du souvenir des victimes et des héros de la déportation dans le Calvados et notamment à Caen.
En conséquence et pour toutes les raisons évoquées ci‐dessus, j’ai l’honneur de vous demande d’inviter officiellement les associations LGBT aux cérémonies de la journée nationale du souvenir des victimes et des héros de la déportation, à la dépose de gerbe dans toutes les cérémonies prévues le dimanche 25 avril.
Je sollicite votre bienveillance pour faire en sorte que le motif de déportation pour homosexualité ne soit pas éludé dans les discours officiels.
J’ajoute qu’il me parait indispensable que s’instaure un véritable dialogue entre les différentes parties prenantes afin d’éviter toute confrontation et la reconnaissance de la légitimité de chacun à perpétuer le souvenir de toutes les victimes de la déportation.
Convaincu que ce sujet retiendra toute votre attention, je vous prie d’agréer, Monsieur le Préfet de Région, l’expression de mes sentiments distingués.
Rudy L’Orphelin,
Secrétaire Régional des Verts Basse-Normandie
Les Verts Basse‐Normandie