Démocratie participative, vers un contrat « élus/citoyens »

Election_MG_3455Le site internet d’EELV Basse-Normandie est un outil de communication du parti politique, mais je souhaite qu’il soit également un espace de mise en valeur des débats et idées qui animent le mouvement de l’écologie politique.

Vous trouverez ci-dessous une contribution de Philippe-Emmanuel Goussard sur la démocratie participative. Cette contribution répond à des préoccupations au coeur de ce que doit être, à mon sens, l’engagement démocratique écologiste.

Vous aussi proposez vos analyses, propositions, points de vue, en envoyant vos contributions à EELV Basse Normandie: bassenormandie@eelv.fr.

Sébastien BELLET, secrétaire régional

 

Le peuple anglais pense être libre; il se trompe fort, il ne l’est que durant l’élection des membres du parlement. Sitôt qu’ils sont élus, il est esclave, il n’est rien. » – Jean-Jacques ROUSSEAU

C’est traditionnel, à la veille de nouvelles élections, les candidats débauchent une énergie certaine à démontrer l’attention et la priorité qu’ils accordent à la qualité de la vie démocratique locale. Le temps de l’élection, le candidat veut assurer de toute l’attention qu’il consacrera à l’implication, l’association des habitants dans la décision publique, veut se montrer effectivement « représentant du peuple »  alors qu’une fois élu il s’en considère trop souvent le fondé de pouvoir.

Considérons deux résultats:

– le taux de participation aux élections, 65% au deuxième tour des dernières élections municipales : presque la moitié des citoyens ne participent à la désignation de ceux qui les représenteront ; dès lors, quand 55% des électeurs  soutiennent tel candidat….ce n’est finalement qu’à peu près un habitant sur quatre qui manifeste sa préférence pour celui-ci plutôt que celui-là.

– la désillusion profonde qui saisit les citoyens face à l’incapacité (au refus ?) des élus à bien vouloir effectivement considérer la parole publique, la confiance aussi qu’ils n’accordent plus aux instances et aux acteurs politiques, y compris de proximité comme le devraient être un conseil municipal et les élus qui le composent. (Enquête CEVIPOF/le monde janvier 2014)

Ce désengagement est tendanciel ;  on entend également que le doute à l’égard de nos organisations et instances politiques et démocratique, est quant à lui croissant.

Le nouveau mandat qui s’ouvrira dans quelques semaines peut-il être celui d’une refondation de la relation que nouent les élus et les citoyens ? C’est une question de choix, de conviction, puis de méthode.

 

Tous les élus ne sont pas convaincus de  la légitimité de l’intervention directe du citoyen dans les choix et les priorités d’action publique.

  • Pour les uns on demeure sur un modèle dans lequel le citoyen choisit son représentant et lui délègue un pouvoir dont il évaluera le bon usage au terme du mandat. Ce n’est pas une position rare.
  • Pour d’autres, si la participation est rendue obligatoire par la loi dans certaines circonstances,  elle ne doit pas porter sur les choses trop importantes. On assistait à cet égard récemment à un débat entre concurrents aux élections municipales  au cours duquel  le Maire sortant refusait l’idée de la contribution d’habitants à l’élaboration du budget et des priorités qu’il traduit en considérant qu’il s’agit là « de l’outil du Maire ».
  • Pour de trop rares enfin, la démocratie représentative ne s’affaiblit pas mais au contraire se renforce de la démocratie participative. Le choix politique et stratégique est d’autant plus fondé et légitime qu’il se nourrit pour l’Elu qui doit le faire, de la contribution de ceux qui doivent en bénéficier. C’est une position exigeante, elle suppose de l’engagement, de l’obstination.

Cette position exige en effet de la méthode, l’exemple des conseils ou comités de quartiers peut être intéressant.

Les élus municipaux ont souvent installé des conseils ou comités de quartiers. Ceux-ci offrent effectivement la possibilité d’une rencontre régulière et directe entre l’Elu et le citoyen, parfois  ils constituent des lieux de choix.

Mais à y regarder de plus près, on peut régulièrement constater des options qui viennent réellement nuancer le bilan qu’on entend les Elus dessiner  en cette fin de mandat :

  • La constitution des conseils de quartiers, ouverte (vient qui veut) ou plus sélective (au terme d’une désignation par la collectivité elle-même) est rarement véritablement attentive à leur composition effective : vient qui veut, vient qui sait, vient qui peut….Mais on ne sait pas associer ceux qui spontanément ne seront pas là, ceux qu’on devrait aussi voir participer à ces temps de gestion de la cité. Une question de marketing publique et politique…au vrai sens du terme.

 

  • La délégation confiée à ces instances  est fréquemment floue et souvent peu ambitieuse. Ce sont des instances dont on promeut la nécessité dans la décision publique, et dont en réalité la part qu’elles y prennent est :
    • limitée à un territoire restreint : le comité de quartier traite des affaires du quartier ; rares sont les villes qui leur confient aussi des responsabilités (au moins de réflexion et de proposition) à l’échelle de l’ensemble de la ville ;
    • bornées aux  petits projets : en général les conseils de quartiers sont consultatifs, décisionnaires éventuellement  (rarement sur l’ensemble du cycle de décision) mais sur de petits projets, de petites enveloppes budgétaires

 

  • L’animation de ces instances exige enfin un positionnement, une expertise à laquelle leurs animateurs sont peu formés : alors qu’ils ont été élus pour représenter et décider, les voilà qui devraient animer et synthétiser, écouter et laisser la parole à d’autres. C’est une posture compliquée, qui leur apparait éventuellement comme paradoxale, qui exige une compétence à acquérir.

 

  • Enfin, force est de reconnaitre qu’au sein des majorités municipales, la place et la reconnaissance dont jouit le mandat de conseiller de quartier n’est pas de premier plan. Ce mandat n’est également pas le plus confortable. Celle ou celui qui en a la charge apparait fréquemment aux yeux de ses propres collègues, des services de l’administration municipale aussi, comme le perturbateur, venant contrarier des processus et des expertises techniques bien rodés.

 

Dès lors, on peut esquisser quelques étapes qui permettront de préparer dans le cadre des engagements de mandat, ou d’organiser en début de mandat,  une  démocratie locale fondée sur la coopération et la compréhension réciproque des Elus et des citoyens :

  1. S’accorder sur la « posture politique » : la participation citoyenne à la décision publique, levier d’une démocratie vivante et renforcement de la légitimité de l’Elu ou affaiblissement de son privilège de décision ? Le temps de la mobilisation effective de tous, ou la gestion de dispositifs et d’instances d’opportunité ?

 

  1. Fixer une ambition et la tenir : la participation citoyenne comme principe actif de la vie politique quotidienne, ou limitée ponctuellement aux sujets périphériques ? Informer, écouter, concerter, co produire, co décider… ? Une délégation fixée à quelques élus ou un principe général qui doit irriguer l’action municipale ?
  2.  Définir la méthode : conseils de quartiers ou diversité des formes et des temps  de l’implication des habitants ? Volontaires, cooptation, sélection…ou participation aussi de ceux qui ne prennent pas spontanément la parole ?
  3. Former les Elus : il s’agit d’une posture différente à adopter et à maîtriser. L’écoute, la synthèse, la compréhension, l’animation d’un collectif, alors que nombreux sont encore ceux qui privilégient spontanément  le registre de la conviction et de la démonstration.

 

 

Enfin, il faut définir et formaliser  le contrat Elus-citoyens : définir et s’accorder sur les engagements que prennent les Elus et les citoyens  dans le développement de cette nouvelle gouvernance davantage vertueuse, s’accorder sur les droits et les limites que chacun se fixe, s’entendre sur la manière dont réellement la contribution citoyenne n’est pas la remise en cause de la responsabilité politique mais son affermissement.

 

 

Philippe-Emmanuel GOUSSARD

 

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