Projet Inter-Ikea à Fleury-sur-Orne : EELV dépose plusieurs contributions à la commission d’enquête
Lundi 20 juin, les militants écologistes de Normandie se sont déplacés pour déposer leur contribution au commissaire-enquêteur en charge d’instruire le dossier du projet dit « Inter-Ikea ». Au total, 4 contributions ont été déposées pour dénoncer le non-sens de ce projet, par EELV Normandie, les élus du Conseil Régional de Normandie, les élus de Caen, Écologiste et Citoyenne, et enfin par Katell Prigent, citoyenne engagée et militante EELV.
Articles de presse :
Vous trouverez en cliquant ici la contribution déposée par EELV Normandie, ou ci-dessous :
Monsieur le Commissaire-Enquêteur, Europe Ecologie-Les Verts Normandie souhaite apporter ses observations dans l’enquête publique préalable à la délivrance du permis de construire d’un centre commercial et de loisirs sur la commune de Fleury-sur-Orne.
Nous souhaitons dans un premier temps aborder des considérations générales sur l’impact social, économique, environnemental de ces grands projets commerciaux, avant d’exposer nos remarques particulières relatives au projet InterIkéa de Fleury-sur-Orne.
1. Un GPII de plus en France (Grand Projet Inutile et Imposé)
Depuis la seconde guerre mondiale, nous avons assisté à l’explosion de la société de consommation portée par les Trente Glorieuses avec le développement de l’agriculture intensive et mécanisée car il fallait produire plus pour nourrir une population devenue exigeante (des tomates et des fraises en hiver !), la multiplication des grandes surfaces commerciales en banlieue, là où autrefois, il y avait des terres maraîchères pour nourrir localement les citadins, la croissance exponentielle du transport routier avec la création de périphériques et de rocades de contournement pour tenter de diminuer les bouchons et le temps de transport entre le centre-ville et ses banlieues. Enfin, les impacts environnementaux de ces politiques ont été multiples et désastreux : pollutions atmosphérique, sonore et visuelle, destruction de terres agricoles et d’espaces naturels, dégradation du cadre de vie, expropriation … Notre territoire encore rural dans la première moitié du 20ème siècle, s’est vite urbanisé ; ainsi en 2014, les sols artificialisés couvraient au total 5,1 millions d’hectares soit 9,3% du territoire métropolitain (source : CESE) et aujourd’hui plus de trois-quarts des Français sont devenus des citadins totalement dépendants de l’approvisionnement des grandes surfaces commerciales.
Sur son Blog Médiapart, le collectif « Des terres, pas d’hypers », exprime très bien la situation actuelle : « La position dominante de la grande distribution crée la surabondance d’une offre commerciale de qualité généralement médiocre, qui pèse sur les revenus des producteurs et entraîne faillites, fermetures, développement de friches commerciales. Le commerce de proximité, le commerce indépendant non franchisé, la vitalité des centres villes sont partout menacés. Situés en périphérie des villes ou sur le littoral, ces projets commerciaux entraînent une artificialisation galopante et irréversible d’espaces naturels ou à fort potentiel agronomique. Cet impact dévastateur participe à la perte de la biodiversité, de la qualité des paysages et diminue fortement le foncier mobilisable pour des projets agricoles et alimentaires diversifiés adaptés aux besoins des citoyens. Ces commerces ciblent une clientèle motorisée sur de vastes zones de chalandise, ce qui nécessite l’aménagement de nouveaux accès routiers et d’immenses parkings. Ils contribuent à l’augmentation des émissions de C02, en contradiction avec les engagements pris lors la COP 21. Investisseurs et élus justifient ces projets par la promesse de créations d’emplois, à grand renfort de chiffres fluctuants, selon des modes de calcul contestables. Or les emplois détruits par la disparition des concurrents et par les économies d’échelle propres à un modèle qui pratique le dumping social depuis la production jusqu’à la vente en passant par le transport, ne sont jamais comptabilisés. Les investisseurs font valoir des retombées fiscales pour des collectivités soumises aux restrictions budgétaires. Celles-ci sont incitées, pour augmenter leurs ressources, à favoriser la création ou l’extension de surfaces commerciales. Or ces collectivités participent aux aménagements, transports en commun et infrastructures routières nécessaires à ces implantations. Elles doivent aussi prendre à leur charge la réhabilitation de friches qui défigurent le paysage. »
On sait pourtant que la fréquentation des commerces de proximité permet de développer des modes de déplacements non polluants, et ménage la vie des centres villes. La préservation des terres nourricières permet d’assurer une production de qualité ainsi que la viabilité économique de nouvelles installations agricoles. Le commerce de proximité et une agriculture respectueuse de l’environnement sont créateurs d’emplois durables, favorisent le maintien du tissu social, la santé des citoyens et leur sécurité alimentaire.
Il y a tout juste six mois, 195 états ont signé l’accord de Paris instaurant la lutte contre le dérèglement climatique comme l’un des enjeux majeurs du 21ème siècle. La France et ses collectivités locales à travers leurs PCET (Plan Climat Energie Territorial) se sont alors engagées à diminuer les émissions de gaz à effet de serre de 40 % à l’horizon 2050. Nous ne pouvons, dans ce contexte difficile et afin de répondre aux enjeux du 21ème siècle, faire l’économie d’une réflexion politique globale sur le développement durable de nos territoires.
2. InterIkéa : Le projet de trop pour l’agglomération caennaise
L’ouverture du projet InterIkéa de Fleury-sur-Orne est prévue pour 2018 avec 86 729 m² de surface construite indiquée au permis de construire dont 46 000 m² de surface destinée à la vente de produits ou services (hors parkings, allées, locaux techniques ou administratifs), une estimation de la zone de chalandise de 1,4 millions d’habitants (du Havre au Mont Saint Michel !), 86 enseignes commerciales et 3 200 places de stationnement.
Nous n’assistons pas qu’à un simple agrandissement du magasin Ikea actuel : les impacts de cette extension sont considérables.
Un non-sens économique :
Aujourd’hui, ce grand projet est inutile sur l’agglomération caennaise ; en effet, depuis 10 ans l’offre commerciale y a décuplé : PAS la population, ni le pouvoir d’achat. La zone de chalandise évoquée est un leurre car elle va engendrer la saturation commerciale et la concurrence sauvage.
Dans l’étude d’impact, nous regrettons la faiblesse de l’analyse relative aux conséquences économiques sur les commerces de proximité des centres villes proches, et aux conséquences sociales car les bénéfices en terme d’emplois sont analysés unilatéralement : 680 ETP pour le centre commercial et de loisirs, mais combien d’ETP perdus, combien de commerces fermés ? Croire en des créations d’emplois est également un leurre, comme l’ont montré les grands projets commerciaux de la dernière décennie : les emplois créés ici seront perdus ailleurs. Le modèle de la grande distribution apparaît de plus en plus destructeur d’emplois par la disparition du commerce de proximité et la pression exercée sur producteurs et transporteurs. Il est temps de changer de modèle économique.
Un non-sens environnemental :
Ce modèle commercial de périphérie est bien-sûr un non-sens environnemental avec :
- le gaspillage des ressources en eau par le creusement d’un lac artificiel de 3 000 m² ;
- des travaux de terrassement « conséquents » (300 000 m3 de déblais, 9 000 m3 de remblais), qui ne « devraient pas intercepter la nappe souterraine ». Nous émettons un doute sérieux quant à cette affirmation : il y a 15 ans, et malgré les études qui ne voyaient aucun risque, la nappe phréatique avait noyé sous 80 cm d’eau pendant trois mois le périphérique Sud de Caen, à l’époque tout neuf, entre la Porte d’Espagne (Ifs) et l’actuel Ikéa. Une quinzaine de maisons avaient été inondées à Saint-Sylvain ;
- la patinoire, énergivore ;
- la création d’un parking de 3 200 places, qui va amplifier l’utilisation de la voiture individuelle;il est intéressant de noter dans le rapport que malgré « les progrès des motoristes et raffineurs, les émissions seront supérieures » : c’est une évidence, l’étalement urbain provoqué par ce projet va provoquer une hausse de la circulation automobile et de la pollution associée qui nuira directement aux habitants de l’agglomération ;
- la suppression irréversible des terres agricoles remplacées par des zones artificialisées qui, au lieu de capter le CO2, en augmenteront les émissions. Avec la ZAC d’habitat communautaire des Hauts-de-l’Orne à Fleury-sur-Orne (projet immobilier non intégré à l’étude d’impact), le parc d’activités Porte de la Suisse normande à Saint-André-sur-Orne et l’aménagement de l’itinéraire de substitution de l’A88, à terme ce sont près de 87 ha d’espaces agricoles qui seront consommés.
L’étude tente de démontrer que les « terres agricoles ne sont plus exploitées », et que la « valeur agronomique est assez modeste ». De même, « l’impact sur le sous-sol est modéré car la surface est déjà remaniée ». Or d’après l’analyse sur la flore, il y a encore une terre agricole au Nord et une friche herbacée rudérale au Sud. Et les terres agricoles sur la plaine de Caen sont connues pour leur grande qualité. Par ailleurs, nous regrettons que l’avis de la Chambre d’agriculture ne figure pas au dossier d’enquête publique.
L’étude d’impact ne précise pas non plus comment le projet compte répondre à l’objectif du SCOT, pour les bâtiments à usage d’activité de plus de 10 000 m², de couvrir progressivement leurs besoins énergétiques de manière à atteindre leur couverture complète en 2025.
Conclusion :
Une alternative s’offre aux élus et aux citoyens: d’un côté une France où prolifèrent des centres commerciaux qui à terme feront disparaître le commerce de proximité; de l’autre une France soucieuse des équilibres économiques, dans laquelle l’aménagement commercial se fait de manière cohérente et en fonction des réalités propres à chaque territoire.
En conséquence de quoi, EELV Normandie dénonce les atteintes sociales, économiques et environnementales que ces immenses centres commerciaux et récréatifs font subir au territoire partout en France, demande l’abandon définitif du projet de construction du centre commercial et de loisirs sur la commune de Fleury sur Orne sans lien avec les besoins des habitants et au détriment de l’environnement.
Aussi, Monsieur le Commissaire-Enquêteur, nous vous demandons d’émettre un avis défavorable au projet d’InterIkéa sur la commune de Fleury-sur-Orne.
Nous vous prions de croire, Monsieur le Commissaire-Enquêteur, en notre sincère considération.
Sophie Börner et Axel Marin, portes-parole Europe Écologie – Les Verts Normandie
Sièges régionaux 25 rue Varignon, 14 000 CAEN et 34-35 Quai du Havre 76 000 ROUEN