Réponses d’Eva Joly au questionnaire de La Vie Libre
1. La lutte contre l’alcoolisme sous toutes ses formes, est-elle une lutte prioritaire ? Précisez.
Étant donné l’ampleur des dommages causés par l’alcool à l’ensemble de la population française, oui la prévention de l’alcoolisme est prioritaire, et doit être menée sur tous les fronts. Aujourd’hui, malgré le développement de la répression de l’alcool au volant, les chiffres restent alarmants et force est de constater que si des efforts ont été fait sur le tabac, la loi Evin n’a pas été appliquée concernant l’alcool.
Europe Ecologie Les Verts est favorable à l’interdiction effective de toute publicité sur l’alcool, y compris les publicités déguisées que sont le sponsoring de soirées pour les jeunes.
Quant au Conseil de la Modération et de la Prévention, il est l’exemple de ces structures écrans où les conflits d’intérêt sont flagrants et qui visent à entretenir la désinformation. Dans ce domaine comme dans bien d’autres, il nous semble important que la santé publique soit suffisamment prise en compte pour que les arbitrages entre le ministère de l’Agriculture et celui de la Santé ne se fassent pas toujours au détriment de la santé.
Dans le cadre des politiques de santé publique, les campagnes destinées à informer les usagers, et notamment les plus jeunes, à les inciter à des comportements responsables (jamais au volant, jamais sur une machine-outil, jamais sur un chantier…) me paraissent essentiels. Et cela d’autant plus que l’imagination des alcooliers n’a pas de limites : la mise sur le marché de nouvelles boissons dont la part d’alcool peut sembler faible, car masquée par un mix de sodas, de jus de fruits, d’épices… mérite une riposte en direction des jeunes «primoconsommateurs».
L’abus est d’autant plus grave qu’il concerne des personnes « poly-toxicomanes » associant alcools forts, tabac, psychotropes, ou des personnes fragilisées, médicalement ou socialement, des politiques de prévention dans ce sens devront être mise en œuvre.
2. La lutte contre l’alcoolisme et les addictions sous toutes ses formes, est-elle seulement liée à la sécurité routière ? Précisez.
Non, l’alcoolisme est un problème qui concerne l’ensemble de la santé publique. Le constat est terrible en ce qui concerne la sécurité routière : 50% de l’ensemble des accidents mortels et 73% des accidents survenus le week-end sont causés par la consommation d’alcool au volant. Mais l’alcool est également dangereux sur le lieu de travail, car là aussi il provoque des accidents, parfois mortels. Au sein même du foyer, l’alcoolisme entraîne des violences familiales et extrafamiliales, des enfances brisées, de la délinquance.
Les coûts sociaux et économiques qui en découlent sont considérables.
Pour revenir néanmoins sur les actions engagées dans le cadre de la sécurité routière, je souhaite que les contrevenants, en plus des sanctions habituelles, rencontrent de plus en plus les association de lutte contre l’alcoolisme. Cela pourrait être un moyen de repérer les personnes qui ont un véritable problème avec l’alcool et faciliter la mise en place d’un suivi afin de leur venir en aide.
3. Quelle place souhaitez vous donner aux associations d’entraide dans cette lutte ?
Quels moyens mettrez-vous en place pour les soutenir?
Au-delà de l’approche strictement médicale, les associations d’anciens buveurs offrent un autre type de soin de l’alcoolisme qui prend en compte la dimension humaine de solidarité de cette question et qui est essentiel pour surmonter ce problème. Elles constituent un lien nécessaire, et qui doit entre renforcé, entre la société, son corps médical et les malades alcooliques.
C’est pourquoi, elles doivent être réellement soutenues dans leurs actions et la place qu’elles occupent dans cette lutte doit être revalorisée.
Il faut par exemple permettre leur présence active au sein des instances de prévention publiques. Cela rentre dans la logique générale que je défends d’un cinquième pouvoir citoyen, visant à renforcer le poids de la société civile dans nos institutions, dans l’élaboration des politiques publiques.
4. La loi Évin a été démantelée durant ces dernières années.
Quels seraient, selon vous, les critères d’une nouvelle loi en faveur de la santé publique et permettant une lutte efficace contre les addictions
? Quels seraient les objectifs d’une nouvelle loi :– En matière de publicité ?
– En matière de vente ?
– En matière de consommation publique ?
– En matière de Sécurité Routière ?
– En matière de prévention et sensibilisation envers la jeunesse ?
Il est tout d’abord nécessaire de revenir à la loi Evin et d’annuler toutes les dispositions qui ont permis des exceptions à son application. Ce produit représente un danger s’il est consommé en excès ; c’est pourquoi la publicité doit être interdite.
Concernant la vente aux mineurs, il est nécessaire de faire respecter l’interdiction de vente aux moins de 16 ans. Il est possible d’instaurer l’habitude de demander la carte d’identité d’un jeune qui souhaite acheter de l’alcool, comme c’est le cas dans certains pays.
Bien sûr le fait de prendre le volant après avoir consommé de l’alcool est à proscrire absolument car c’est une des causes principales des accidents mortels. Une information et un alcootest à la sortie des boîtes de nuit sont des pratiques à systématiser.
5. Quelles préventions seraient pour vous efficaces ?
– Avec qui les mettre en place ?
– Comment vous appuierez-vous sur les mouvements d’entraide ? –
– – Sur qui s’appuyer pour les réaliser ?
Il est essentiel de développer l’éducation pour la santé, dans une approche globale et positive de la santé. Il ne s’agit pas d’angoisser ni de culpabiliser les jeunes, en particulier ceux qui vont bien, mais d’accompagner le développement personnel et le développement social, dans une perspective d’autonomie et de responsabilité. En un mot, nous voulons développer une éducation émancipatrice et c’est un axe majeur de notre programme sur la santé. Nous souhaitons mettre en place un service régional d’éducation pour la santé et de promotion de la santé en s’appuyant sur les structures compétentes et spécialisées dans ces domaines.
Les mouvements d’entraide ont un rôle particulier à jouer dans le soutien aux buveurs guéris, en accompagnement du système de soin. Je le répète : je propose une réforme globale de la représentation de la société civile dans nos institutions, et cela concerne évidemment les mouvements d’entraide.
6/ Le vin est un aliment, c’est ce qu’un groupe a essayé de faire passer à l ’Assemblée Nationale et par là-même de le faire croire. Qu’en pensez-vous ?
Non, le vin est un alcool et doit être considéré comme tel.
Je ne suis en aucun cas abolitionniste, mais je ne peux me rallier à ceux qui considèrent tout message d’éducation et de prévention comme une intolérable attaque contre le vin.
A nous de concilier deux préoccupations. La sécurité et la santé d’une part. D’autre part la culture du vin et le rôle qu’il joue dans le dynamisme économique de bien des régions. Il faut sortir des caricatures : en quoi le fait de pouvoir faire davantage de publicité pour le vin en France permettrait-il de limiter l’impact de la concurrence des vins chiliens ou californiens sur les marchés russes ou américains ?
7. Seriez-vous favorable à la création d’un intergroupe parlementaire consacré à la lutte contre l’alcoolisme ?
Oui. Cependant il ne faut pas trop s’illusionner, sans réforme de notre régime actuel, qui est plus présidentiel que parlementaire, nombre d’intergroupes parlementaires n’ont en réalité que peu de moyens et peu d’écoute.
Je crois pourtant utile d’examiner de plus près le fonctionnement des groupes comme celui qui rassemble les parlementaires autour de la Viticulture pour « déminer » ou contourner les pratiques lobbyistes qui asphyxient la démocratie, afin de donner les moyens à un gouvernement de mettre en place une grande loi de santé publique, largement soutenue par toute la société. Ce pourrait donc être la mission de cet intergroupe.
8. Les mouvements d’entraide reconnus d’utilité publique et de formation doivent bénéficier d’un « agrément éducation nationale » leur permettant de sensibiliser les élèves.
Y êtes-vous favorable ?
oui : non :
OUI, l’éducation est une spécialité qui demande une formation particulière en pédagogie et une bonne approche du développement de l’enfant. Les associations d’entraide peuvent apporter un témoignage utile, s’il est adapté aux jeunes à qui il s’adresse.
9. Quelles actions de prévention en milieu scolaire vous engagez-vous à mener ?
Cf question n° 5
10. Pendant votre mandature quelles actions envisagez-vous de développer en matière de lutte contre l’alcoolisme ?
Parmi les nombreuses propositions des écologistes, qui pourraient être portées par une nouvelle loi de prévention et de lutte contre l’alcoolisme, laissez moi en citer quelques unes :- Campagne de sensibilisation aux addictions du type « 10 jours sans »- Mise en place d’une journée contre l’alcoolisme comme il en existe pour le tabac
– Déclarer la lutte contre l’alcoolisme « cause nationale ».
– Engager une campagne de prévention forte auprès des jeunes
– Renforcer la formation des médecins généralistes dans la prévention de l’alcoolisme
– Renforcer les moyens accordés aux associations d’anciens buveurs et reconnaître leur expérience en matière de prévention et de suivi pour encourager notamment leur coopération avec le corps médical.
Evidemment, ce « plan d’action national » et les modalités seront négociées avec les professionnels compétents et adaptées aux réalités ede terrain.
11. Êtes-vous prêts à soutenir une campagne instituant la lutte contre l’alcoolisme, Grande Cause Nationale pour les années à venir ?
Oui avec une priorité à la prévention de l’alcoolisme. Cette maladie est un fléau national qui n’a pas encore été abordé comme tel. Une action d’ampleur nationale s’impose.
12. Quels seraient les moyens à mettre en œuvre pour protéger les mineurs de la publicité sur Internet?
La réglementation de la publicité sur internet est un sujet à part entièreet il sera indispensable de le traiter avec les professionnels et institutions concernées. Je mettrai très rapidement en place un groupe de travail sur ce sujet associant des professionnels de santé, des juristes et des représentants associatifs.
13. La formation en addictologie pour les étudiants est soit optionnel pour les infirmiers, soit très réduite pour les médecins. Souhaitez-vous la rendre obligatoire et la renforcer ?
Oui.