Rencontre avec Gustavo Gomez, procureur argentin spécialiste des affaires environnementales
Arrivée en fin de matinée à la gare Marseille Saint-Charles, Eva Joly a été accueillie par Laurence Vichnievski, Michèle Rivasi et d’autres élus et militants marseillais. Elle s’est aussitôt rendue au local écolo « Ecomotive » situé au bas des marches du célèbre escalier de la gare pour une rencontre débat avec le procureur argentin de la province de Tucuman, Gustavo Gomez, spécialiste des affaires environnementales. Le parquetier argentin, qui a poursuivi des multinationales exploitant des mines de cuivre et d’or dans son pays, milite pour la création d’un tribunal pénal international environnemental. Cette institution serait un véritable ballon d’oxygène pour les pays d’Amérique latine ou d’Afrique, confrontés à de nombreux abus des multinationales intéressées par leurs matières premières.
« Eva Joly est connue en Argentine comme un grand leader anti-corruption »a déclaré le magistrat argentin. Il a soumis trois thèmes de réflexion et d’action à la candidate écologiste à la présidentielle française.
1/ L’élimination des différences juridiques d’un pays à l’autre pour les délits environnementaux. Cette absence de standardisation permet la délocalisation d’activités et la création d’usines polluantes dans des pays minés par la corruption et où les contrôles sont moins draconiens qu’en Europe.
2/ La création d’un tribunal pénal international contre les crimes environnementaux. « C’est important pour l’Afrique et l’Amérique latine car même si nos pays sont sous régime démocratique, ils restent faibles face aux multinationales » a insisté G. Gomez.
3/ Faire arrêter la criminalisation automatique et la persécution des militants environnementaux qui se battent pour leur droits. « En Argentine, 500 personnes ont été emprisonnées pour ces combats contre la pollution ou la dégradation du milieu de vie et malgré cela les gens continuent à se battre. Il faut aussi savoir que les « disparus » argentins d’aujourd’hui sont d’abord des militants environnementaux. Les multinationales payent souvent les élus ou diversses bandes pour faire disparaître les protestataires. Beaucoup partent en exil » a expliqué G. Gomez.
Remerciant le procureur pour ce témoignage « poignant », Eva Joly a cité plusieurs exemples comme celui de la papeterie finlandaise BOTNIA qui s’est installée le long du fleuve Uruguay avec un budget de 3 mds de $, en grande partie débloqué par la Banque mondiale. Des crédits considérés, à tort, comme « projets de développement ». Elle a évoqué le cas d’une autre papeterie, aux mêmes actionnaires que BOTNIA, qui a investi en 2000 en Normandie mais préfère aujourd’hui se délocaliser en Amérique latine. Ou encore SCHNELL ELECTRIC qui utilise énormément de chrome pour son industrie et quitte la région de Cognac pour la Malaisie alors que la grande majorité de ses clients se trouve en Europe.
« Quand le service environnement de certains pays est réduit à 3 personnes et une photocopieuse , que les moyens de contrôle sont extrêmement limités ou encore que la justice est corrompue, il est facile pour les entreprises de s’affranchir des règlements environnementaux » a déclaré la candidate EELV.
« Les crimes environnementaux sont des crimes contre l’humanité !» a repris Gustavo Gomez. « C’est formidable que Gustavo défende les droits des indigènes à vivre dans un environnement non pollué par l’industrie minière, notamment celle du cuivre » . Elle a assuré G. Gomez qu’elle mettrait une part de son énergie à réclamer un vrai tribunal pénal international contre les crimes environnementaux. « Je porte une réforme qui prévoit que les responsabilités civiles, commerciales, pénales, administratives en cas de délit soient assumées par les maisons mère des multinationales et non pas par leurs filiales locales comme c’est le cas aujourd’hui, ce qui bloque les recours et minimise les indemnités aux victimes ».
Lors du débat avec la salle qui a suivi, Christian, un militant du tout nouveau parti Vert Chilien, présent à Marseille pour le FAME a invité Eva Joly à se rendre prochainement au Chili. Le parti Vert chilien prépare les élections municipales d’octobre 2012, cherche des soutiens internationaux, des « companeros », comme EELV. Il a souligné que « la lutte pour la qualité de l’environnement était au cœur de la demande sociale dans son pays, ce qui bouleversait la polarisation droite/gauche en vigueur jusqu’alors ». Un chercheur de l’université Paris XIII a tenu a évoquer le scandale des retenues collinaires en France, des micro-barrages. « 800 projets sont à l’étude en France, c’est une façon scandaleuse de dépenser l’argent public et une catastrophe pour les nappes phréatiques » a précisé le chercheur .
Eva Joly a rappelé qu’en France, l’indépendance des parquetiers vis à vis du pouvoir exécutif devenait indispensable. « C’est souvent la volonté d’appliquer la loi qui fait défaut, notamment face à des lobbies comme les agriculteurs qui n’envisagent l’agriculture qu’intensive. En favorisant l’indépendance des parquetiers et en donnant des moyens plus importants à la justice, le droit environnemental serait davantage respecté et les poursuites contre les pollueurs plus nombreuses. Nous avons en France des magistrats intègres, le corps des procureurs n’est pas libre. Il est essentiel que dans l’avenir ils rendent compte de leurs actions à la population et non pas, comme aujourd’hui, au président de la République. C’est je pense, en permettant aux citoyens de se porter davantage partie civile, que nous limiterons les abus. »