Débat LNPN à Caen, intervention de Mickaël Marie.
Mickaël MARIE est Conseiller Régional de Basse-Normandie et Président du Groupe des Elus Europe Ecologie – Les Verts.
Bonsoir ; je ne reviendrai pas longuement sur l’historique de ce projet puisqu’il a déjà été rappelé, notamment par Thierry LEPAON. Je voudrais simplement dire qu’effectivement, ce projet ne s’appelle plus « ligne à grande vitesse » dans les documents du débat public, mais il s’appelle encore ainsi dans les documents des exécutifs de Basse-Normandie : le Conseil Général du Calvados, la Manche, le Conseil Régional de Basse-Normandie, qui se sont associés pour éditer cette plaquette. C’était seulement il y a quelques mois, et on est toujours sur une LGV en Basse-Normandie. C’est une manière de montrer que l’imaginaire TGV, l’imaginaire LGV, quoi que l’on en dise, continue d’irriguer assez considérablement, de structurer encore, ce projet, puisqu’au fond ce qui est posé comme une évidence – et en tout cas jamais interrogé – c’est que ce qui est mieux, ce qui est positif, c’est d’aller toujours plus loin et plus vite.
Je crois que c’est une idée très datée, que j’ai entendue à l’occasion d’autres débats publics : la grande vitesse serait un marqueur de modernité. Pour ma part, j’ai la faiblesse de penser que ce qui est moderne, c’est ce qui répond aux enjeux d’aujourd’hui, si possible aux enjeux de demain, et pas aux enjeux d’hier ; ou en tout cas dans des réponses d’hier. Ce qui était moderne en 1981, lorsqu’on a lancé le premier TGV, n’est peut-être plus tout à fait moderne en 2011, et le sera peut-être même un petit peu moins en 2020 ou en 2030. On est en droit d’ouvrir au moins cette question.
Ce qui est moderne, ce n’est peut-être plus le lancement de chantiers pharaoniques (on parle bien de cela, il suffit de regarder la facture qui nous a été présentée tout à l’heure), la réalisation d’équipements dont on peut considérer qu’ils sont de prestige, qui servent évidemment à mobiliser, à faire rêver les élus locaux. Améliorent-ils de façon concrète le transport des usagers ? Cette question ne me semble pas résolue par l’exposé qui nous a été fait, si séduisant qu’il ait été.
Ce qui pourrait être moderne, ce serait de partir d’une part de la réalité des conditions de transport des usagers aujourd’hui et de leurs demandes – il nous semble qu’ils ne demandent pas d’aller forcément plus vite, ils demandent mieux, c’est-à-dire plus de régularité et plus de confort – et de partir d’autre part de la réalité des sommes en jeu, des engagements financiers en jeu, et de ce que sont les possibilités des uns et des autres.
Je rappelle que la dette de RFF cumule, je crois, à 30 milliards d’euros, ce qui bloque singulièrement sa capacité d’investissement, du moins tant que nous n’aurons pas fait racheter par l’État (comme l’Allemagne l’a fait) la dette historique de RFF. La dette de la SNCF n’est pas de la même ampleur mais limite aussi ses capacités d’investissement ; de la même façon que l’investissement public entre 1996 et 2006 a chuté de 10 points et nous laisse aujourd’hui un réseau très dégradé. Est-ce vraiment le sujet ?
Je termine par une question très simple. On parle d’une infrastructure qui a vocation à voir le jour en 2020, 2025, 2030, 2040 peut-être (si elle voit le jour). Compte tenu de ce que nous savons de que sera le monde en 2020, 2025, 2030, 2040 ; de ce que seront les prix de l’énergie, les enjeux de mobilité, pensez-vous très sérieusement qu’à ce moment-là on sera fier d’avoir dépensé 10 à 15 milliards pour gagner une demi-heure sur un temps de parcours qui ne concerne pas au quotidien tous les Bas-Normands ? (Applaudissements)