Demande de moratoire sur l’EPR de Flammanville : seuls les élus EE-LV votent pour

Le Conseil régional de Basse Normandie a rejeté aujourd’hui la motion proposée par le groupe Europe Ecologie – Les Verts (EE-LV) demandant un moratoire sur le chantier EPR de Flamanville.

La quasi totalité des groupes politiques – UMP, Nouveau Centre, PS, PC – ont voté unanimement contre. Le PRG a vu ses voix se répartir entre contre (2 voix) et ne participant pas au vote (2 NPPV). Seuls les 9 élus Europe Ecologie Les Verts ont voté pour cette motion.

La motion déposée par les élus EELV a permis que s’engage un débat très large sur l’EPR, la poursuite ou la sortie du nucléaire, au-delà enfin sur le modèle énergétique. Elle visait à permettre que le débat public ait lieu sans que les citoyens ne soient mis devant le fait accompli que constituerait le chantier de l’EPR.

Pour Mickaël Marie, Président du groupe EELV : « J’ai entendu beaucoup d’interventions témoignant des questionnements qui parcourent l’ensemble des sensibilités politiques après Fukushima. Mais on a aussi constaté que, sur un tel sujet, les élus bas-normands, quels que soient leurs doutes, continuent de faire bloc, droite et gauche confondues, pour soutenir au final l’industrie nucléaire. »

En fin de séance, le PRG a présenté une autre motion demandant à l’Autorité de Sûreté Nucléaire « d’émettre un avis sur les risques encourus par les installations nucléaires en Basse Normandie ».

Les élus écologistes ont voté pour cette motion.

Dans l’explication de vote du groupe Europe Ecologie Les Verts, Mickaël Marie a précisé : « On a vu dans le débat sur la motion que nous avons proposée sur l’EPR un certain décalage entre les propos privés, dans les couloirs, de certains élus et leurs postures publiques. Pour ce qui nous concerne, nous faisons les choses plus simplement : quand nous sommes d’accord, nous votons pour ».

Texte de la motion

La catastrophe nucléaire de Fukushima (Japon) a bouleversé les opinions publiques du monde, et continue d’inquiéter chacun d’entre nous. Elle est survenue après une catastrophe naturelle majeure, qui a plongé le peuple japonais dans une immense tragédie.

L’accident de Fukushima a été relevée, le 12 avril dernier par l’Autorité de sûreté japonaise, au niveau maximum de 7 sur l’échelle des événements nucléaires et radiologiques (INES), le plaçant au même degré de gravité que la catastrophe de Tchernobyl.

Il est désormais impossible de ne pas reconnaître que « le pire n’est pas inimaginable » en Europe, comme l’a déclaré le commissaire européen à l’énergie, Gunther Oettinger. Dans plusieurs pays de l’Union européenne, des gouvernements ont pris la mesure de l’évènement, et annoncé des révisions importantes de leur politique énergétique et de leur position quant à l’usage de l’énergie nucléaire.

Le débat est donc désormais d’ampleur mondiale. Après les accidents de Three Mile Island (USA, 1979) et de Tchernobyl (URSS, 1986) ; après plusieurs incidents dans différents pays qui, s’ils n’ont pas dérivé en accident majeur, ont largement montré la vulnérabilité des installations existantes (en France, centrale du Blayais en 1999), la catastrophe de Fukushima interroge les sociétés du monde sur l’ampleur des risques qu’elles veulent accepter de prendre, pour elles-mêmes et pour le monde.

En France, ce débat prend forcément un tour particulier. En premier lieu, en ce que notre pays est l’un de ceux concentrant le plus d’installations nucléaires sur son territoire, notamment 58 réacteurs (un réacteur sur sept installés dans le monde) et le centre de retraitement AREVA de La Hague. Ensuite, puisque le nucléaire n’est pas, en France, simplement un moyen de production électrique, mais le terrain d’exercice de champions industriels – EDF et AREVA – de taille internationale.

Pour autant, le débat devra avoir lieu, et il a d’ailleurs déjà commencé.

Le 18 avril, les Commissions locales d’information des installations nucléaires du Cotentin (EDF-Flamanville, AREVA-La Hague et Centre de stockage Manche) se réunissaient en assemblée générale commune.

La hausse structurelle des prix des hydrocarbures et les menaces que fait peser sur l’humanité le dérèglement climatique font de la question énergétique comme un point de questionnement majeur des politiques publiques, à l’échelle locale et nationale comme à celle des discussions internationales.

Dans ce débat, l’énergie nucléaire est l’objet de vives controverses, les uns plaidant pour son développement dans le cadre d’une stratégie globale de lutte contre le réchauffement climatique,  considérant que le nucléaire permet une production d’énergie plus faiblement émettrice de carbone ; les autres rappelant, avant comme après Fukushima, les risques majeurs auxquels expose l’humanité la poursuite et le développement des programmes électronucléaires, pointant par surcroît l’absence d’avantage avéré de cette énergie dans la lutte contre le dérèglement climatique, eu égard tant à ses coûts qu’au peu de temps dont nous disposons pour engager une véritable transition énergétique.

Il n’appartient pas aux collectivités locales de fermer ce débat, qui devra de toute façon avoir lieu, en France, lors des prochaines échéances électorales nationales.

Pour autant, il est de la responsabilité de tous que ce débat puisse s’ouvrir, sans que ses conclusions puissent être obérées par le simple enchaînement mécanique des programmes en cours. En l’occurrence, la construction du réacteur EPR à Flamanville serait, si elle venait à son terme, clairement de nature à clore ce débat avant même qu’il ait pu commencer. La mise en service de l’EPR-Flamanville 3, conçu comme tête de série d’une nouveau programme de réacteurs visant à remplacer les centrales en fin de vie, condamnerait en effet notre pays à un débat sans impact sur la réalité.

Interrogé devant la représentation nationale, le président de l’Autorité de sûreté nucléaire, M. André-Claude Lacoste, a lui-même évoqué, le 30 mars dernier, l’hypothèse d’un « moratoire » sur le chantier de Flamanville 3, indiquant que c’est « typiquement le genre de réflexions que nous aurons à mener dans les mois qui viennent ».

Il est utile de rappeler, par ailleurs, que l’EPR a déjà fait l’objet, en particulier s’agissant du prototype actuellement construit en Finlande, dont le chantier est plus avancé, de plusieurs rappels à l’ordre, sur le plan technique et de sécurité, de la part de plusieurs autorités de sûreté nationales.

Les conséquences économiques et sociales doivent par ailleurs être clairement pesées. La région Basse-Normandie, premier bassin laitier de France, qui destine une large part de ses produits à l’exportation, serait en effet immédiatement vulnérable en cas d’accident,

Dans ces réflexions, graves et cruciales pour l’avenir de notre pays, la Région Basse-Normandie entend prendre toute sa place et toutes ses responsabilités. Elle attend de ses partenaires, et en particulier de l’Etat, qu’ils sachent faire de même.

En conséquence,

LE CONSEIL REGIONAL DE BASSE-NORMANDIE

– demande que toutes les leçons puissent être tirées, en matière de sûreté nucléaire, de l’accident de Fukushima, et délivrées au public dans la plus grande transparence ;

– SOUHAITE qu’un large débat public national puisse avoir lieu sur le choix de poursuivre ou non le programme électronucléaire, dans des conditions équitables permettant d’éclairer le jugement des citoyens ;

– DEMANDE, dans l’attente d’un tel débat, qu’aucune mesure ne soit prise qui viendrait créer une situation d’obligation de fait, aggravant encore la dépendance de notre système de production électrique à l’énergie nucléaire ;

– SOUTIENT, en conséquence, la décision d’un moratoire sur le chantier EPR de Flamanville, considérant que la poursuite de celui-ci rendrait irréversible une situation qui est aujourd’hui interrogée par les faits ;

– DEMANDE, par égale voie de conséquence, que soit stoppée la construction de la ligne électrique Très haute tension (THT) Cotentin-Maine, qui doit transporter le courant issu de l’EPR ;

– DEMANDE que ce moratoire ne puisse, le cas échéant, être levé qu’après, sur le plan technique, la publication de l’audit en cours conduit par l’Autroité de sûreté nucléaire et, sur le plan démocratique, qu’un débat public national ait pu se saisir des choix énergétiques de notre pays ;

– DEMANDE, dans cette perspective, que soient réunies les conditions permettant au tissu économique local et régional, très largement dépendant de ce chantier, d’amortir à court terme le choc du moratoire, y compris au moyen de réparations industrielles et économiques d’Etat, et d’amorcer à moyen terme la conversion  nécessaire du bassin d’emploi du Cotentin.

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