La réforme des retraites ou la victoire de la Sarkolangue
La droite française a gagné les dernières élections présidentielles et législatives, mais surtout elle a gagné une autre bataille sur un terrain où la gauche ne l’attendait pas, la bataille de la sémantique.
Pour illustrer cette idée parlons de la réforme des retraites. Rassurez-vous, il ne s’agit pas d’argumenter sur ce que propose ou non le gouvernement, mais juste de vérifier la définition d’un mot dans un dictionnaire.
Le « petit Robert » nous dit :
« Réforme : n.f. – de réformer
Amélioration apportée dans le domaine moral ou social. Changement profond apporté dans la forme d’une institution afin de l’améliorer, d’en obtenir de meilleurs résultats. »
Ainsi, les propositions gouvernementales de M. Sarkozy sur les retraites correspondent à des réformes ? Est-ce à dire qu’elles apportent un changement profond du système de la retraite par répartition existant afin de l’améliorer, d’en obtenir de meilleurs résultats ?
Tout dépend du point de vue où l’on se place. Si l’on prend en compte la vision du salarié, du pensionné, l’idée de travailler plus longtemps ou de connaître une période de chômage en fin de carrière, d’être obligé de passer devant une commission pour valider une incapacité, de ne pas changer ou peu changer l’assiette de cotisation … ne peut pas être vécue comme une amélioration du système de retraite et en tout cas ne correspond pas à un changement profond de l’existant. Si l’on se place d’un autre point de vue, passer à 62 et 65 ans pour une retraite à taux plein, convaincre que la retraite par répartition ne marchera plus dans quelques dizaines d’années, que le collectif ne compte plus, que seul compte l’individualité sont des victoires sémantiques et idéologiques. Il ne s’agit pas alors d’un changement profond immédiat. En revanche, le modèle que ces propositions portent en elles correspond à ce changement profond : il vise à enterrer les acquis obtenus depuis le programme du conseil national de la résistance à 1983, date du passage à la retraite à 60 ans.
Donc quand des journalistes, des experts, … nous parlent de la réforme en cours, on peut penser qu’ils ont choisi leur camp, celui d’une idéologie, d’une droite libérale et de son individualisme triomphant.
Peut-être pourrions-nous lancer un concours afin de trouver un nom sonnant et trébuchant pour ce qui nous est proposé. Mais en tout état de cause arrêtons de dénommer ce programme politique libéral une réforme.
Caen, le 20/09/2010, Françis Joly